Constat d’injustice, doute sur la RSE, sentiment d’être peu écouté…il reste du chemin à parcourir aux entreprises pour satisfaire les attentes de leurs salariés
La question du partage de la valeur en entreprise n’a eu de cesse de progresser dans le débat public à mesure que les salariés questionnent de plus en plus leur rapport au travail. Ces dernières années, plusieurs évolutions législatives et réglementaires sont venues renforcer les dispositifs de participation et d’intéressement et encourager les mesures de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). À l’heure des grands bouleversements économiques et technologiques, des crises sanitaires et inflationnistes, le constat demeure toutefois sans équivoque : les salariés français partagent quasi-unanimement le sentiment que la répartition de la valeur dans l’entreprise n’est aujourd’hui pas à leur avantage, doutent des engagements RSE et se sentent peu écoutés. Il est à noter que ces perceptions sont largement consensuelles et concernent tous les salariés, quels que soient leur statut (cadre/non cadres), leur âge ou leur niveau de diplôme. Ces diagnostics d’insuffisance de justice et de démocratie dans l’entreprise débouchent sur des attentes fortes et communes de changement. Un changement que l’on souhaite voir porté bien plus par le dialogue social que par la contrainte réglementaire et législative.
Un diagnostic très largement majoritaire d’un inégal partage de la valeur et du pouvoir dans l’entreprise
Le partage de la valeur en entreprise est aujourd’hui considéré comme largement inéquitable par les salariés. La RSE apparaît plus comme une affaire de discours que comme des engagements véritablement sincères. Et les salariés ont le sentiment que leur voix compte peu au sein de l’entreprise.
- Au niveau « macro » comme à leur échelle « micro », une très large majorité des salariés français fait le constat d’un inégal partage de la valeur. 79 % considèrent ainsi que le partage de la valeur est défavorable aux salariés par rapport aux actionnaires et/ou dirigeants dans les entreprises en général et 71 % émettent un diagnostic similaire sur leur entreprise. Ce diagnostic est partagé sans différence par tous les salariés, quel que soit leur statut : 71 % des cadres, 67 % des employés et 73 % des ouvriers considèrent que le partage de la valeur leur est défavorable au sein de leur entreprise. Toutes les catégories d’entreprise ne sont toutefois pas perçues de la même manière : le sentiment de justice dans le partage de la valeur est directement corrélé avec la taille de l’entreprise. Plus l’entreprise est petite, plus le partage de la valeur semble juste pour les salariés : 45 % pour les entreprises de moins de 10 salariés, 28 % pour les entreprises de 10 à 250 salariés, et seulement 20 % pour les grandes entreprises nationales et 15 % pour les multinationales. En dehors de la taille, un modèle d’organisation se distingue, celui des coopératives et des SCOP, considérés comme juste en termes de partage de la valeur par 64 % des salariés. C’est le seul modèle d’organisation d’entreprise qui suscite une majorité d’avis positifs sur le partage de la valeur.
- Critiques sur le partage de la valeur, les salariés le sont également sur le partage du pouvoir. Seulement un tiers d’entre eux considère que leur voix compte au sein de leur entreprise (dont 7 % « tout à fait » et 25 % « plutôt »), 68 % ayant le sentiment inverse. Même s’il est un peu plus fort chez les cadres (39 %), le sentiment que sa voix compte au sein de l’entreprise est minoritaire dans toutes les catégories de salariés.
- Souvent accusées de « green » ou « purpose washing » dans la société et le débat public, les entreprises peinent de fait à convaincre leurs propres salariés de la sincérité et de la vérité de leurs engagements. Le doute sur la RSE est massif: seuls 13 % de salariés considèrent qu’il n’y a pas d’écart entre les discours RSE de leur entreprise et les actions réellement mises en œuvre. Au sein de la grande majorité de désabusés et de sceptiques, 46 % considèrent que cet écart entre le discours et les actes est « important », 41 % le considérant comme « léger ». Le doute sur l’effectivité de la RSE est en nette progression : en 2023, 24 % des salariés considéraient qu’il n’y avait pas d’écart entre les paroles et les actes en matière de RSE, soit 11 points de plus qu’aujourd’hui.
Gouvernance, valeur : des attentes fortes de changement
Les constats fortement critiques sur le partage de la valeur et du pouvoir dans l’entreprise débouchent logiquement sur des attentes de changement. Les salariés réclament une plus grande implication dans la gouvernance et plus de transparence et de justice dans le partage de la valeur. Une demande partagée à tous les âges, les niveaux de diplôme et les statuts.
- On entend souvent que les Français n’aiment pas parler argent et afficher leur rémunération. L’étude démontre que ce stéréotype est faux : 83 % des salariés sont favorables à une transparence totale des salaires dans l’entreprise, près d’un sur deux (45 %) l’étant même « tout à fait ». Là encore, toutes les catégories de salariés sont largement favorables à cette transparence.
- Deux tiers souhaiteraient avoir plus d’influence au sein de leur entreprise et se déclarent prêts à prendre plus de place dans leur gouvernance de leur entreprise.
- Pour atteindre ces objectifs, les salariés croient beaucoup plus au dialogue social et à la négociation qu’à la contrainte par la loi. 65 % pensent ainsi qu’il faut « inciter les entreprises à mieux partager les profits » alors que 35 % considèrent « qu’il faut les contraindre par la loi, l’incitation ne suffisant pas à changer les choses »
- Enfin, il est à relever que le souhait d’un meilleur partage de la valeur ne se fonde pas seulement sur la recherche d’un meilleure rémunération pour soi. Ce partage est aussi vu comme une manière de rendre l’entreprise plus performante, les salariés estimant visiblement que des travailleurs bien et justement payés sont des travailleurs plus productifs. 61 % considèrent ainsi qu’une entreprise portant une attention particulière au partage de la valeur et du pouvoir est plus compétitive que les autres, seulement 11 % pensant que son activité en souffrirait. Dans cette perspective, le modèle coopératif a une vraie valeur d’attraction. 76 % des salariés le perçoivent comme un modèle d’avenir vers lesquels de plus en plus d’entreprises devraient aller, 24 % seulement le considérant comme inadapté aujourd’hui à la concurrence et à la compétition économiques.
Chiffres-clés
- 79 % des salariés français considèrent que d’une manière générale le partage de la valeur dans les entreprises françaises entre salariés et dirigeants/actionnaires est défavorable aux salariés. 71 % portent un jugement similaire sur le partage de la valeur au sein de leur propre entreprise.
- Les coopératives, les SCOP sont le seul modèle d’entreprise perçu comme offrant un juste partage de la valeur par une majorité de salariés (64 %).
- 83 % des salariés sont favorables à une transparence totale des salaires dans l’entreprise, pour tous les salariés et les dirigeants.
- 68 % des salariés ont le sentiment que leur voix ne compte pas au sein de leur entreprise.
- 66 % des salariés seraient prêt à prendre davantage de place dans la gouvernance de son entreprise si elle le permettait.
- 61 % des salariés considèrent qu’une entreprise qui porte attention aux sujets de partage de la valeur et du pouvoir est une entreprise plus compétitive que les autres.
- 76 % des salariés estiment que le modèle coopératif est un modèle d’avenir, vers lequel de plus en plus d’entreprises devraient aller.
- 61 % des salariés jugent qu’une entreprise qui fait attention au partage de la valeur et du pouvoir en entreprise est plus compétitive que les autres.
- 65 % préfèrent l’incitation et le dialogue plutôt que la contrainte et la loi pour inciter les entreprises à mieux partager la valeur.
- 46 % des salariés jugent qu’il y a un écart important entre les discours RSE de leur entreprise et les actes, 41 % qu’il y a un écart léger et seulement 13 % qu’il n’y a pas d’écart.
Méthodologie :
L’enquête a été menée par l’Institut Bona fidé pour le Groupe Up auprès d’un échantillon de 800 salariés, représentatif de cette population. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée, PCS, répartition temps plein/temps partiel), après stratification par région. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 09 au 13 septembre 2024.
Le Rapport Complet
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