Aller au contenu
Signaux Forts N°16

Les Signaux Forts du mois de février !

Signaux Forts 16 : Les Signaux Forts du mois de février !

Les Signaux Forts du mois !
                                                
                                                 
                                                
Lisez ici ce que vous ne lirez pas ailleurs.

Signaux Forts est la newsletter spécialisée dans les transformations inattendues de la société, éditée par Bona fidé, l’agence conseil en stratégie de communication et influence.
                                                 
                                                

LE TILT

LE DÉTOUR PAR LES IMAGINAIRES, SIGNE DES TEMPS ?

                                                 
                                                

Imagine. Élue « Une » de l’année par ses lecteurs, la couverture de L’Équipe au lendemain de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris projette sur la France des JO l’imaginaire lennonien de réconciliation, d’humanité et de partage. Un imaginaire qui s’est concrétisé et qui, s’il s’est estompé aussi vite qu’il est arrivé, dit au moins notre besoin collectif de rêver et de penser d’autres futurs que la réalité du monde. 

Après des années durant lesquelles la technique, le comptable, l’opérationnel étaient les vecteurs cardinaux pour organiser en France sa position et son action, une pléthore d’acteurs (think tanks, sondeurs, agences publiques, institutions locales, entreprises privées et publiques, éditeurs, …) se lance désormais dans le «⠀design-fiction » pour construire de nouveaux récits et tenter de retrouver des narrations attractives. Aussi désigné comme « scénarios en prospective » ou «⠀designs spéculatifs », le design fiction crée de nouveaux futurs par la création d’inventions fictives. 

                                                 
                                                

L’exemple le plus emblématique est celui du projet Red team, porté par le ministère des Armées. Composée d’auteurs et de scénaristes de science-fiction, la Red team a imaginé les menaces technologiques, militaires, chimiques, sociales aujourd’hui non-pensées auxquelles la France pourrait faire face à l’horizon 2050. Elle a ensuite produit une multitude de scenarii d’attaques et de ripostes, certains rendus publics et mis en scène à la mode Netflix sur le site du Ministère, d’autres classés secret-défense. 

Utiliser les modes de pensée et la créativité hors core-business pour penser l’avenir et la science-fiction comme source d’innovation, voilà la méthode ! Et les marques en saisissent tout l’intérêt. « Surpris que la R&D d’EDF puisse s’intéresser à nos imaginaires ? », c’est l’entreprise elle-même qui annonce faire ce détour à travers la publication d’un livre d’un nouveau genre qui se définit comme un « recueil de contes collectif issu du projet Imaginaires positifs en 2050, qui s’est donné pour mission de créer des récits futuristes porteurs d’espoirs, incitant à l’action par l’envie plutôt que par les contraintes ». Marque éminemment commerciale, IKEA a récemment publié son « catalogue du futur proche », réalisé par des chercheurs en design et en urbanisme, proposant une série de meubles, d’objets et de technologies encore inexistants, comme des rideaux lumineux et chauffants. 

La politique n’est bien sûr pas en reste. Tous les partis travaillent à la recherche de «⠀nouveaux récits », de nouvelles narrations, capables de fédérer l’opinion. Philippe Corcuff, professeur de philosophie politique, a entrepris de « rouvrir les imaginaires politiques » dans une série d’articles dans L’Obs, quand Vincent Gerber ou Ariel Kyrou poursuivent leur travail de croisement de la science-fiction et des imaginaires politiques, entre dystopies et utopies. 

Les imaginaires se construisent dans les représentations et leur ressort. Au sein des spécialistes de l’opinion, le « test d’imaginaires », notamment à partir de différentes images projetées du futur, et l’étude qualitative n’ont jamais eu autant la cote. Chez Bona fidé, dont l’Institut pratique le terrain comme un sacerdoce, nous sommes ainsi fiers de travailler à l’élaboration de nouveaux récits en disséquant les ressentis, les expériences et les perceptions. Des travaux et des initiatives dont l’utilité et l’urgence résonnent encore plus intensément depuis que domine outre-Atlantique un puissant et sombre imaginaire de brutalité, de domination et de loi du plus fort. 

                                                 
                                                

Des jeux vidéo aux séries (on se souvient de La Fièvre portant l’imaginaire de la coopérative à travers la renaissance d’un club de foot nouvelle génération), du renouveau de la littérature de science-fiction à la publication foisonnante de romans sur les devenirs incertains (plus de 25 romans traitant de l’avenir de la montagne à l’heure du réchauffement climatique ont été publiés en un an), le mouvement « Imagine » s’étend à tous les champs de production de la société. 

L’essor du design-fiction croise, de fait, un présent déprimant et un futur, non pas incertain, comme on le dit trop souvent, mais aux certitudes angoissantes. Un présent déprimant, car comme le dit Etienne Klein, physicien et philosophe, « nous n’avons plus d’autre horizon qu’un présent informe, guère rassurant ou souvent troublant (…) sans confiance en l’avenir ». Dans le même temps, les tentatives actuelles de construction d’imaginaires sont en panne et incapables de fédérer. Trois exemples concrets : sur le plan écologique, le backlash (retour de bâton) sur la RSE,  sur le plan sociétal, la polarisation créée par la radicalité du « progressisme » (le fameux réveil anti-woke aux Etats-Unis) et sur le plan politique, l’impuissance et le blocage institutionnel, national comme européen.

Cette vision du futur est marquée par des certitudes angoissantes car nous savons. Nous savons que le mur du réchauffement climatique, et sa kyrielle de cataclysmes, est devant nous. Nous savons que de moins en moins de terres seront habitables et que les migrations vont s’amplifier. Nous savons que la concentration des richesses va aggraver les inégalités et la montée des populismes. Le détour par les imaginaires, par le recours à la fiction, est dès lors moins une manière de construire in-abstracto un futur désirable qu’une tentative de penser collectivement notre adaptation à un monde en crise et d’essayer de trouver des réponses qui rassemblent. « Le réel c’est quand on se cogne » disait Lacan. L’imaginaire, c’est pour essayer d’avoir un peu moins mal. Imagine

                                                 
                                                

L’OBJET

LE DRONE : À QUAND UN ATTERRISSAGE DANS LE DÉBAT PUBLIC ?

                                                 
                                                

En 2024, le ciel français est devenu le théâtre d’une surveillance par drones de plus en plus généralisée. Pas moins de 1 800 autorisations préfectorales de survol ont été délivrées aux forces de l’ordre, selon Le Monde.

À l’origine de cette prolifération : un décret d’avril 2023 autorisant l’usage des drones par les forces de sécurité pour prévenir les troubles à l’ordre public et les infractions. En tête des motifs de survol, figurent ainsi la surveillance des manifestations, la lutte contre le trafic de drogue et la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris.

Face à cette tendance, la CNIL met en garde contre la « tentation d’un solutionisme technologique » appliquée à la surveillance tandis que La Quadrature du Net, association de défense des libertés numériques, alerte sur la banalisation de ces outils, dont l’usage est censé rester occasionnel.

Au-delà des missions de surveillance, les drones sont quoiqu’il en soit appelés à se développer dans notre quotidien. Transport médical d’urgence, livraison dans des endroits reculés, protection de la biodiversité, optimisation du travail des agriculteurs, … : au regard des opportunités offertes par les drones, dopés à l’intelligence artificielle, il paraît nécessaire d’anticiper leur présence quotidienne au-dessus de nos têtes. Mais les opinions sont-elles réellement prêtes à accueillir ces objets comme une composante à part entière de l’espace public ?

Alors que les citoyens sont en attente de mesures de sécurité fortes, accepteront-ils la présence de drones de surveillance de façon systématique lors des manifestations, lors d’événements sportifs et culturels ou tout simplement pour des raisons de sécurité qu’ils ignorent ?

Ou verront-ils dans le drone le symbole d’un pouvoir invisible, donc fantasmé ? Sans visage, hors de portée et nous observant depuis les hauteurs, le drone a tous les attraits de l’ennemi idéal, celui auquel on peut donner le visage que l’on redoute ou déteste le plus. Bref, l’ennemi à abattre.

Alors que les drones s’apprêtent à rentrer durablement dans notre espace, il est urgent de les faire atterrir en amont dans le débat démocratique, au risque qu’il ne cristallise rapidement tous les fantasmes.
 

                                                 
                                                

 BOOK CLUB

                                                 
                                                

Vers la pétichisation ? 
 
On le sait, un dessin en dit autant qu’un grand discours. En titrant « le grand remplacement », celui qui voit un couple promener un petit chien dans un porte bébé, un chat sur leurs talons, Pessin résume à la fois un fait avéré et un débat qui monte. 

                                                 
                                                
                                                 
                                                
                                                 
                                                

Le fait avéré est celui de la place grandissante des chiens dans nos vies, en masse (9 millions en France, 700 millions dans le monde) mais surtout en place. L’idée davantage débattue est celle selon laquelle ces animaux domestiques, dont les caractéristiques varient selon des critères qui ne sont pas neutres (revenus, position sociale, lieu de vie, …), viendraient, en pleine phase de dénatalité, remplacer nos chers bambins d’antan. 

Ce phénomène (qui n’a rien d’anecdotique) des « pet-parents » a désormais son livre de référence, « Toutoute », de la journaliste Mylène Bertaux. Outre que les termes qu’elle emploie pour parler de sa propre progéniture (qui donne son titre au livre) sont loin d’être anodins (« ce n’est peut-être pas la chips la plus croustillante du paquet mais, à mes yeux, elle est HPI »), l’auteure a su saisir les multiples aspects de cette « pétichisation » qui semble aujourd’hui parcourir nos sociétés. 

Très riche (portraits, fiches, reportages, tour du monde, questionnaires, …), parfaitement  documenté et souvent drôle, le livre n’en tire pas moins les fils tout à fait sérieux qui se cachent derrière ce repositionnement de nos amis à quatre pattes, des aspects sociologiques (couples et parentalités, modes de vie, individualisation et solitude, rapport à la nature…), pratiques (influence sur le travail, les loisirs ou le logement), financiers (cette toutounisation est un marché en plein essor, sous de nombreux aspects) ou de segmentations (sociales, spatiales…). 

Chiens et chats, qui furent longtemps l’accessoire de retraités en mal de compagnie, deviennent ainsi le prolongement omniprésent de jeunes métropolitains. Leur statut exact est incontestablement une vraie question contemporaine. Sur la « pet generation » qui monte, lisez Bertaux. 
 

                                                 
                                                

LES IDÉES ANTI PRÊT-À-PENSER®

                                                 
                                                

Pour en finir avec les concepts qui entravent notre pensée ! 
C’est un cours d’anti prêt-à-penser que nous dispensent Guénaëlle Gault et David Medioni. Dans un  essai vivifiant, les deux auteurs partent à l’assaut de ces concepts stars qui brouillent notre capacité à penser et embrouillent nos débats : «⠀archipellisation », « grands remplacements », « fin des grands récits » « pouvoir d’achat » « individualisme »… ces notions qui, au-delà de déformer la réalité en se posant en évidences, nous rendent aveugles aux véritables changements. Un livre à lire comme des exercices de fitness intellectuel pour se préparer au débat (et au combat). 

Penser sans entraves – Ces concepts qui nous empêchent de réfléchir, Guénaëlle Gault et David Medioni – Éditions de l’Aube/Fondation Jean-Jaurès.

                                                 
                                                

Non, TikTok ne lance pas que de la new romance ou de la romantasy !
Qui a dit que TikTok ne lançait que des ouvrages de new romance ou de romantasy⠀? Le réseau social a récemment ressuscité via des posts enflammés l’œuvre d’un auteur classique, ardue s’il en est : Les Nuits blanches, de Dostoïevski,  propulsant le livre dans les meilleures ventes en Angleterre et désormais en France. Les thèmes abordés (la solitude, les rêves inassouvis, la quête de l’autre…) ont semble-t-il trouvé un écho particulier chez les jeunes de la génération Z. Une réponse au sentiment de solitude qu’ils éprouvent à l’ère numérique. Alors, TikTok poison et remède ? Vous avez 4 heures (ou bien lisez Les Nuits blanches.)

Why Generation Z loves Dostoyevsky, John Self – Financial Times (30/12/2024)

Netflix et Spotify ne cherchent pas votre attention… mais votre inattention
Deux prises de paroles récentes ont montré la convergence qui animeraient Netflix et Spotify. Les deux plateformes capitaliseraient, selon les journalistes Will Tavlin et Liz Pelly, moins sur notre attention que sur notre inattention. Netflix, en s’adaptant à notre « vision flottante » (« casual viewing ») smartphone à la main ; et Spotify, par une stratégie d’occupation sonore de tous les instants et une « dynamique de la passivité » (via des playlists adaptées à nos activités de concentration, de relaxation ou de sommeil…). Ce faisant, ils inventent l’économie de l’inattention, peut-être pire que celle de l’attention.  

Casual Viewing, Will Tavlin – n+1
The Ghosts in the Machine, Liz Pelly – Harper’s Magazine 

                                                 
                                                

L’OEIL DU DOCTEUR JEQUIER

Bruit médiatique, polarisation politique et « majorité silencieuse » : le cas des campus américains

Les manifestations sur les campus contre la guerre d’Israël à Gaza ont défrayé la chronique et le débat aux États-Unis. Pourtant, seule une toute petite minorité d’étudiants y participe et considère que c’est un enjeu prioritaire, selon une étude de Generation Lab, réalisée auprès de 1 200 étudiants au sein des 25 plus grandes universités américaines en 2024, démontrant que la logique de polarisation ne dit pas toujours l’état de l’opinion. 

8% des étudiants américains disent avoir participé aux manifestations propalestiniennes. Le conflit au Moyen-Orient arrive au dernier rang de leurs préoccupations déclarées, avec 13% de citations, loin derrière l’accès à la santé (40%), à l’éducation (38%) et à de bonnes opportunités économiques (38%), qui dominent le classement. 

Si la cause propalestinienne est soutenue par une majorité relative (45% déclarent soutenir les manifestations en faveur de Gaza, 30% se disant neutres et 24% y étant opposés), les méthodes militantes les plus radicales sont largement désapprouvées :⠀90% jugent inacceptable de bloquer des étudiants pro-Israël dans certaines parties du campus, 67% d’occuper des bâtiments universitaires, 58% de s’opposer à un ordre de dispersion donné par l’université. 81% partagent enfin l’idée que ceux qui ont détruit des biens ou vandalisé ou occupé illégalement des bâtiments doivent en être tenus responsables par leur université et sanctionnés en conséquence. 

                                                 
                                                
Merci de votre lecture ! N’hésitez pas à nous recommander !

Des idées ? Recommandations ? Critiques ?
Écrivez-nous en répondant directement à ce mail.¬
                                                 
                                                
Votre adresse email professionnelle a été collectée par Bona fidé à des fins de prospection commerciale dans le cadre de votre activité professionnelle, au moyen d’une base de données constituée à cette même fin, à partir de données accessibles au public en ligne, notamment les réseaux sociaux professionnels. Si vous ne souhaitez pas être destinataire d’une telle prospection, vous disposez du droit de vous y opposer en cliquant sur le lien « désinscription » ci-dessous. Pour en savoir plus sur les modalités de collecte et de traitement de vos données par nos soins, ainsi que sur les droits dont vous disposez au titre de la réglementation applicable, nous vous invitons à consulter notre politique de confidentialité.
                                                 
                                                

Média conçu et rédigé par l’agence Bona fidé et sa Brigade des idées.
                                                 
                                                
© 2025 Bona fidé
                                                 
                                                
                                                 

Ceci peut aussi vous intéresser